Parfois, il suffit d’une erreur d’adresse pour partir à la découverte d’un pays. C’est ce qui arrive à Ellie : un jour, puis régulièrement les semaines suivantes, le facteur dépose dans sa boîte aux lettres une carte postale de Grèce adressée à une autre. La destinataire n’habite pas l’immeuble, Ellie n’a jamais entendu parler d’elle. Elle conserve les cartes postales dont elle lit les quelques mots écrits au dos par l’expéditeur, un certain A. De semaine en semaine, elle se surprend à attendre avec impatience la prochaine carte : tant les images que les phrases sibyllines lui mettent du baume au cœur et lui permettent, l’espace d’un instant, de s’évader de sa vie monotone. Mais un jour, les cartes n’arrivent plus. Déception. Elle décide alors de faire une pause dans sa routine : elle prend quelques jours de congés et part en Grèce. Le matin de son départ, elle trouve un courrier dans sa boîte aux lettres, toujours adressé à cette mystérieuse femme. Elle l’emporte avec elle. À l’intérieur de l’enveloppe se trouve un carnet de bord qui retrace un périple en Grèce, mentionnant les villes des cartes postales reçues. Une fois arrivée à destination, elle commence à lire ce carnet qui a des allures de journal intime : suite à une déception amoureuse, A. confie ses états d’âmes au gré de son voyage. Le budget d’Ellie ne lui permet de parcourir le pays en suivant les villes mentionnées, mais chaque jour raconté lui fait découvrir la Grèce, sa culture et ses mystères. L’homme décrit comment il rencontre les Grecs et se lie suffisamment avec eux pour qu’ils lui confient des anecdotes sur leur vie ou leur village. Le lecteur part ainsi à la découverte de la Grèce de façon intime, loin des sites touristiques et des monuments dits incontournables (et s’il y en a tout de même quelques-uns, ils ne sont pas présentés à la façon de clichés touristiques). Certaines histoires sont pittoresques, d’autres plus émouvantes, l’une d’elles m’a fait frissonner d’effroi… Au gré des villes traversées et des rencontres, l’homme se reconstruit : les récits comme les personnes l’aident à retrouver un sens à sa vie. Le point de départ du roman est une vie insatisfaisante (Ellie) et une rupture amoureuse (le mystérieux A.), mais il n’y a rien de larmoyant dans cet ouvrage. Ce n’est ni une quête de l’amour ni un cheminement initiatique (bien que certains passages puissent ouvrir à la réflexion). L’histoire de cet amour perdu n’est qu’un prétexte pour inviter au voyage et présenter la Grèce sous un angle original et pittoresque. Les talents de conteuse de Victoria Hislop nous permettent de voir, entendre, sentir et ressentir ce pays. Au début du carnet, insérée dans le roman, une carte permet de suivre le périple du narrateur. De magnifiques photographies d’Alexandros Kakolyris ponctuent le roman et illustrent chacune des anecdotes. Ces images en noir et blanc, en sus des expressions grecques disséminées ici et là, ajoutent une touche à la fois romanesque et authentique au récit.
Ce que je retiens de ma lecture ? Ce roman est composé d’une succession de récits qui m’ont donné un aperçu nouveau de ce pays façonné par l’histoire, les traditions et les croyances. À la manière des contes, ces anecdotes grecques donnent à réfléchir sur la vie, les hommes, les relations interpersonnelles, les croyances et ce qui fait le monde. Elles sont autant de facettes culturelles. Par ailleurs, de la Grèce, on ne connaît bien souvent que l’Antiquité et la crise économique du début du XXIe siècle, mais le pays a une histoire entre ces deux extrémités et ce roman en laisse entrevoir quelques pans en décrivant tout autant la Grèce moderne que l’arrière-pays plus traditionnel.
Pour aller plus loin :
Un livre pour : les amoureux de la Grèce, les passionnés de voyage, les amateurs de contes et d’anecdotes.
Cartes postales de Grèce
Victoria Hislop
éditions Les Escales (2017, traduction depuis l’anglais britannique)
existe aussi en format poche (Le Livre de Poche)
(titre original : Cartes Postales From Greece, 2016)