Au lycée, Rodrigues a flashé sur Aurélie. Elle est sympa et jolie, elle sent bon et chante merveilleusement bien. Il n’a pas de doute : il est amoureux. Le soir de la Fête de la musique, elle joue sur scène avec son groupe de rock. Il est au premier rang pour l’applaudir. Après le concert, Aurélie lui propose de passer la soirée avec elle et ils rejoignent des amis dans un parc. La soirée se passe tranquillement, festivement, et bientôt les amis d’Aurélie décident qu’il est temps d’aller retrouver d’autres amis pour terminer la soirée. Aurélie décline l’invitation, elle préfère rester dans le parc avec Rodrigues. Il est heureux de savoir qu’elle veut passer un moment seule avec lui. Aurélie décide de s’allonger sur l’herbe, il la suit et fait de même. Il s’approche d’elle et commence à l’embrasser, d’abord sur la joue car elle lui tend la joue, puis il embrasse son oreille, sa bouche. Ses sens s’emballent, il est tellement heureux de pouvoir l’aimer, enfin ! Il lui fait l’amour passionnément, puis une fois la vague passée, il s’endort sur l’herbe. Il se réveille seul au petit matin. En rentrant chez lui, il lui envoie plusieurs sms, lui dit qu’il espère la revoir bientôt, il l’invite chez lui. Bientôt, la sonnette de l’appartement retentit. Mais ce n’est pas Aurélie. C’est la police. Il est accusé de viol. Il est pris de vertiges, ne comprend pas comment son histoire d’amour a pu se muer en viol.

Cet ouvrage fait suite au roman Les Carcérales (2010) qui relate sous un autre angle cette « histoire d’un soir » entre Aurélie et Rodrigues, mettant cette fois-ci l’accent sur le ressenti d’Aurélie. La première partie du roman est consacrée à Rodrigues, à sa garde à vue, ses auditions, son incompréhension ; puis la confrontation avec Aurélie, la détention provisoire, le placement sous contrôle judiciaire et les éducateurs qui tentent de l’aider. La deuxième partie, assez courte, fait office de zone tampon entre les deux jeunes : c’est le procès à la cour d’assises des mineurs. La dernière partie du livre, et la plus longue, raconte Aurélie, comment elle a vécu cette nuit-là et tout ce que cela a changé dans sa vie, ce qu’elle a perdu et ce qu’elle a à reconstruire.

Nuit rouge est un roman fort, difficile parfois. Les deux protagonistes sont malmenés par cet événement qui les marquera à jamais. Le lecteur aussi est bousculé, emporté par les émotions de l’un, puis de l’autre. La plume est percutante. Parfois, la vie ne tient qu’à un fil, un mot, une interprétation. Vivre et aimer est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Encore plus quand on a 16 ou 17 ans, que les émotions, les hormones et l’inexpérience mènent le jeu, que la vie fantasmée se mêle à la réalité de l’autre avec une frontière si ténue qu’elle peut parfois devenir difficile à distinguer.


Ce que je retiens de ma lecture ? Il suffit parfois d’un mot, d’un geste pour que tout s’emballe ou tout s’arrête. Notre mode de communication, lorsqu’il implique des refus inexprimés ou des accords tacites (que ce soit par politesse ou par crainte de fâcher ou blesser), mène parfois à de graves malentendus. On oublie souvent que ce qui est évident pour soi ne l’est pas forcément pour autrui. Présumer que l’autre va comprendre un sous-entendu ou un geste implicite, c’est prendre le risque de ne pas être compris, et ce défaut de communication, souvent désagréable, peut parfois s’avérer dangereux. Il est important d’enseigner aux jeunes (et aux moins jeunes) à s’exprimer clairement et sans crainte en toutes occasions, quitte à devoir affronter le regard peiné ou fâché de l’autre. Cela me paraît tout aussi indispensable que d’enseigner l’écoute de l’autre, le respect de son corps et de son ressenti. Savoir dire « non » et savoir entendre et accepter un « non » sont deux compétences incontournables pour vivre ensemble sereinement dans une société équitable et respectueuse de chacun.


Pour aller plus loin :


Un livre pour : toute personne, ado comme adulte, souhaitant mieux appréhender la mécanique du consentement et comprendre le déni apparent dans les situations de violences amoureuses. À partir de 15 ans.


Nuit rouge
Magali Wiéner
éditions du Rouergue (2021)